chien noir

Lorsque chien noir a été nommé aux Victoires de la Musique, dans la catégorie des Révélations masculines, on avait déjà entendu sa musique notamment grâce à « Histoire vraie », choisie par Géraldine Nakache comme bande originale de son court-métrage réalisé pour La Redoute. Nous étions en 2020, en pleine crise sanitaire et cette musique pure, pop, fluide, accessible, avait immédiatement joué un rôle thérapeutique.
Derrière ce sens mélodique – l’une de ses plus grandes forces – oeuvre chien noir. Jean Grillet pour l’état civil. Habillé de teintes sombres, casquette vissée sur la tête, mains sans cesse occupées au piano ou à la guitare. Pas de posture, low profile : le musicien est au monde tel qu’il est. Et a choisi le patronyme de chien noir non seulement en référence au corpus littéraire qui l’accompagne depuis toujours mais également à ce que Winston Churchill appelait son black dog, une dépression qui ne cessait de le talonner.

Sa mélancolie, Jean l’a acceptée et, mieux encore, il l’incorpore à ses chansons. À 6 ans, il apprend le piano sur l’instrument grand-maternel utilisé par sa propre mère, dans une vieille maison située près de Bordeaux. Très vite, jouer lui permet d’apprivoiser les zones d’ombres de son environnement et, à 13 ans, il commence à composer sur sa guitare. Après le bac, Jean se destine d’abord aux métiers du vin. Parce qu’il y a un héritage, un amour vrai pour la terre et ses fruits. Heureusement, l’appel de la musique l’emporte. Jean s’inscrit au Conservatoire de Bordeaux où il s’oriente dans la voie la plus pop, en guitare jazz et musiques actuelles.
Quelques saisons et groupes de musique plus tard, il sort un premier EP sous « chien noir », fort de titres mémorables tels qu’« Histoire vraie » et « Lumière bleue ». Signé par le label Naïve et le tourneur Caramba, il est remarqué par le Chantier des Francos de la Rochelle ou le FAIR. Parce qu’être solo n’exclut pas de s’ouvrir à des collaborations, ce qu’il affectionne, il invite Hollysiz sur « La nuit le vent », P.R2B sur une nouvelle version d’« Histoire Vraie », et co-écrit avec Bertrand Belin « Vague à l’âme soeur » pour Vanessa Paradis.

Écrit sur une année, d’octobre 2020 à octobre 2021, Beaux retrace la vie de Jean sur douze mois. Ce deuxième EP riche de sept titres puise son origine dans une rupture, celle de « Tour du monde » jusqu’à « La Poudre », symbole du renouveau amoureux. Piano, guitare, basse, synthétiseur, boîtes à rythmes, choeurs : Jean joue de tout. Enregistré et co-réalisé avec Lionnel Buzac dans un petit studio en Charente, Beaux a été mixé par Stéphane « Alf » Briat (Phoenix, AIR, Mustang). Après un premier EP plus cérébral, en prise avec cette obscurité, ces nouvelles chansons sont solaires, charnelles – dans tous les sens du terme car il s’agit ici d’interroger ce qui nous constitue. De quelle matière sommes-nous composés ? « Nous sommes des poussières d’étoiles, répond Jean, mais notre chair, notre énergie, notre sensualité nous rendent concrets, permettent de recevoir ce monde en nous, d’appréhender l’autour. » Face à nos failles, nos chutes, nos chagrins, brûle un grand feu intérieur que raconte Beaux.
Car « Tour du monde » parle d’une rupture, après 1800 jours de relation – 20 fois le temps du tour du monde en 80 jours. En filigrane, on y retrouve le désespoir rageur d’un Verlaine face à la défection de Rimbaud. « Mais on continue d’exister », affirme chien noir.
« Air libre », lui, fait ses adieux, laisse partir l’autre, malgré le vertige. Superbe remise à niveau des compteurs existentiels, « Échappées belles » amorce l’acceptation qui se révèle avec « Beaux », à propos de laquelle Jean exprime l’élan apporté par l’amour : « tout d’un coup, je me suis senti extrêmement bien dans ma peau. Je me trouvais au piano, et soudainement, j’ai crié ». « La poudre » convoque Éros et Thanatos. Faire parler la poudre, c’est se battre, mais il y a aussi l’extase… Instantanément inscrit dans notre mémoire, le refrain de « Ma peau » incarne l’altérité dans ce qu’elle a de plus sensuel. Le désir devient fusion. « Nous sommes faits d’autres personnes, de ceux qu’on a aimés, amicalement ou amoureusement », confie Jean. Et c’est en souvenir d’une femme qui baissait les yeux pour lui parler qu’il a écrit « Sous les yeux », éloge de la pudeur. De ce qu’on « veut taire, faire apparaître la nuit, dans le noir ».

Parmi les influences de chien noir, des artistes sans concessions et férus d’expérimentations : Bon Iver, Frank Ocean, Radiohead, Leonard Cohen, Alain Bashung, Aldous Harding, Laura Marling, Rosalia, Phoebe Bridges, Weyes Blood… En écoutant Beaux, on se laisse emporter par cette sensation de « vagues dans la terre », comme résume Jean. À la fois pop organique, groove sensible et chanson folk, sa musique prouve qu’il n’a pas été nommé par hasard aux Victoires de la musique. chien noir est une révélation, de celles qui, sans se cantonner à une seule chapelle mais sans pour autant nous déboussoler, se glissent naturellement dans notre quotidien. Pour ne plus jamais le quitter. •

+ Première partie : Olor

Le monde sonore d’Olor baigne dans une poésie éthérée où l’électronique se fait douce pour nous amener au-delà du réel.
Guitare électrique, claviers, machines et voix, portent les chansons du duo où l’on entre comme dans un conte.
Un face à face onirique et envoûtant.